Management of cutaneous melanoma at the Joliot Curie Institute in Dakar
Prise en charge des mélanomes cutanés à l’Institut Joliot Curie de Dakar

JC. Balegana1, S. Ka1, D. Diouf1, J. Thiam1, M. Dieng1, PM. Gaye1, M. Diop1, A. Dem1.
1 Institut Joliot Curie de Dakar, Sénégal.
DOI: https://www.doi.org/10.54266/ajo.1.2.52.XRGI9314

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ABSTRACT

AIM: To study the clinical and therapeutic aspects of cutaneous melanoma at the Joliot Curie Institute of Dakar. PATIENTS AND METHODS: We performed a retrospective, descriptive and critical study at the Joliot Curie Institute of Dakar including all histologically confirmed melanoma cases between January 2008 and December 2013. RESULTS: During the study period, 21 cases were managed. The location was plantar in 76% of cases. Acral type was found in 85.7% of cases. All patients had a Clark level of IV or higher with a Breslow index of more than two mm. Fourteen patients underwent excision surgery and 12 had inguinal lymph node dissection. The average follow-up was 16 months with an overall survival of 58.7% at six months and 51% at one year. CONCLUSION: The majority of patients have benefited from surgical treatment, without prescription of immunotherapy which to date has revolutionized the management of advanced melanoma.
KEYWORDS: Melanoma; Joliot Curie Institute; Dakar.

RESUME

BUT : Etudier les aspects cliniques et thérapeutiques des mélanomes cutanés à l’Institut Joliot Curie de Dakar. PATIENTS ET METHODES : Nous avons réalisé une étude rétrospective, descriptive et critique à l’Institut Joliot Curie de Dakar incluant tous les cas de mélanomes confirmés par l’histologie entre Janvier 2008 et Décembre 2013. RESULTATS : Au cours de la période d’étude, 21 cas ont été pris en charge. La localisation était plantaire dans 76% des cas. Le type acral était retrouvé dans 85,7% des cas. Tous les patients avaient un niveau de Clark supérieur ou égal à IV avec un indice de Breslow supérieur à deux mm. La chirurgie d’exérèse était réalisée chez 14 patients avec curage ganglionnaire inguinale chez 12 patients. La moyenne de suivi était de 16 mois avec une survie globale de 58,7% à six mois et 51% à un an. CONCLUSION : La majorité des patients présentait un mélanome acral et a bénéficié d’un traitement chirurgical, aucune immunothérapie qui à ce jour a révolutionné la prise en charge des mélanomes avancés n’a été administrée.
MOTS-CLES : Mélanome ; Institut Joliot Curie ; Dakar.

INTRODUCTION

Le mélanome cutané est une prolifération maligne au dépend des mélanocytes cutanés situés dans la couche basale de l’épiderme. Il est le cancer cutané le plus agressif avec un potentiel métastatique très élevé. Son incidence est en augmentation dans la population caucasienne avec près de 200.000 nouveaux cas chaque année dans le monde [1]. Les facteurs de risque chez les caucasiens sont bien connus. Chez le sujet noir, le mélanome reste rare et les facteurs de risque ne sont pas bien élucidés [2-4]. Certains sont suspectés notamment les traumatismes, la marche pied nu ou encore l’anomalie du gène MCR1. Le principal traitement reste la chirurgie qui permet une guérison pour les stades précoces. Le pronostic reste péjoratif pour les stades avancés et métastatiques. Actuellement avec le développement des thérapies cibles qui améliorent la survie des malades métastatiques mais avec une mortalité non négligeable [5, 6].

PATIENTS ET METHODES

C’était une étude rétrospective descriptive sur six ans qui couvrait la période de Janvier 2008 à Décembre 2013 et portait sur les dossiers des patients présentant un cancer cutané confirmé par l’histologie (biopsie ou pièce opératoire). Les données ont été analyses par Excel© 2013 et le logiciel STATA© version 12. Pour comparer les données, nous avons utilisé le test statistique paramétrique de Chi deux de Pearson. Le seuil de significativité était fixé à p=0,05. Les survies ont été calculées en utilisant la méthode de Kaplan-Meier. Le test Log-Rank a été utilisé pour comparer les courbes de survie en fonction des différents facteurs pronostiques étudies.

RESULTATS

Cent-et-trente-et-six cas des cancers cutanés étaient pris en charge dans l’institut dont 21 cas de mélanome retenus pour notre étude, soit 15,4% des tous les cancers cutanés. L’âge moyen de nos patients était de 60,8 ans avec des extrêmes de 29 ans et 85 ans. Le sex-ratio était de 0,75. Le délai moyen de consultation de nos patients était de 32,8 mois avec les extrêmes de quatre et 108 mois. Tous nos patients étaient des sujets noirs. Aucun cas d’antécédent familial de mélanome n’a été retrouvé dans notre étude. La tumeur siégeait au niveau plantaire dans 76% des cas (n=16) (Tableau I).

La taille tumorale moyenne était de 7,1 cm avec des extrêmes de 2,5 et 15 cm. La présence d’ulcération tumorale a été retrouvée chez 15 patients soit 71% des cas. L’absence de signe d’envahissement ganglionnaire régional était retrouvée chez huit patients soit 38% des cas. Des ganglions inguinaux étaient retrouvés chez 11 patients soit 52,4%. Le mélanome acral lentigineux était le type histologique le plus retrouvé chez 18 patients soit 85,7% des cas (Tableau II).

Toutes les tumeurs présentaient un niveau de Clark supérieur IV. L’indice de Breslow était précisé chez six patients respectivement 2,2 mm, quatre mm, cinq mm, huit mm, 10 mm et 30 mm. Les métastases étaient retrouvées chez huit patients, soit quatre synchrones et quatre métachrones. La chirurgie était réalisée chez 14 patients, soit 66,7 %. L’exérèse était réalisée chez huit patients avec des marges macroscopiques de trois cm. L’amputation et/ou la désarticulation étaient réalisées chez six patients (Tableau III). Le curage ganglionnaire inguinal était réalisé chez 12 patients, soit 57,1% des cas.

L’examen histologique des pièces opératoires avait découvert une prédominance de type acral lentigineux chez 57,1% (n=8). Les marges d’exérèse étaient saines chez huit patients, soit 57% des cas. Par contre, les marges d’exérèse chirurgicale n’ont pas été précisées chez six patients, soit 43% des cas. Le nombre moyen de ganglion retrouvé dans le produit de curage était de sept ganglions avec un envahissement dans 41,7% (cinq cas). Les complications liées à la chirurgie retrouvées dans notre étude étaient la suppuration locale et le lâchage de suture chez quatre patients, soit 28,6% des cas. La chimiothérapie était réalisée chez 5 (23,8% des cas) dont adjuvant chez trois patients et à visée palliative chez deux patients avec comme molécule de base la dacarbazine. La radiothérapie était réalisée chez un patient à visée hémostatique. Pour un suivi moyen de 16,1 mois, la survie globale était de 58,8% à six mois, de 51,5% à 12 mois (Figure 1).

Les patients qui ne présentaient pas d’adénopathies semblaient avoir une meilleure survie par rapport à ceux qui avaient des adénopathies (Figure 2).

DISCUSSION

Dans notre série, les mélanomes représentaient 15,4% des tous les cancers cutanés avec un sex-ratio de 0,75. Pitche et al [2] retrouvaient seulement quatre cas de mélanomes soit 5,8% de même que Saka et al [3] notaient 23 cas de mélanomes soit 10,3% des cancers cutanés avec un sex-ratio de 0,6 en dermatologie au Togo. Ces différentes études menées en Afrique Noire montrent que le mélanome demeure un cancer rare chez le sujet noir par rapport à la population blanche dans laquelle la fréquence de ce cancer est en augmentation [7, 8]. Cinquante-sept virgule un pour cent de nos patients étaient âgés de plus de 60 ans.
Dans notre travail, la tumeur siégeait au niveau des membres inférieurs (MI) notamment plantaire, dans 85,7% des cas. Cette situation est observée dans quasiment toutes les séries africaines comme celle de Tarwate et al au Maroc [9], Soua et al en Tunisie [10], Amalia et al au Nigéria [4] ou dans celle de Mohamed et al à Jos au Nigéria [11].
L’ulcération tumorale, un des facteurs pronostiques du mélanome, était retrouvée dans notre étude dans 71% des cas confirmant un stade évolué et agressif chez la majorité de nos patients. Cette situation peut s’expliquer par un retard de consultation du fait de la localisation plantaire de la tumeur qui est souvent méconnue et négligée par les patients d’un âge avancé.
Dans notre série, le type acral était le plus retrouvé dans 85,7% ce qui corrobore avec la majorité des séries chez le sujet noir. Contrairement chez le caucasien, le SSM est le type histologique le plus fréquent [8, 12].
Tous nos patients présentaient des tumeurs ayant un niveau de Clark supérieur ou égale à IV ce qui confirme le caractère très évolué de la maladie dans notre série.
La chirurgie d’exérèse tumorale était réalisée chez 66,1% de nos patients et associée à un curage inguinal dans 57,1% des cas. Ceci implique qu’environ 40% des patients n’ont pas subi la chirurgie, soit du fait de leur maladie métastatique dans 19% des cas, soit du fait de la non adhésion au traitement ou encore un problème purement financier. Dans notre étude, nous n’avons pas réalisé de ganglion sentinelle (GS), le curage inguinal était systématique d’autant plus que 52,4% des patients présentaient des adénopathies inguinales. Cette technique est préconisée pour les tumeurs de plus d’un mm d’épaisseur en se basant sur les résultats de Morton et al sur le GS que la survie était de 90% à cinq ans en l’absence de métastase ganglionnaire et de 72,3% à cinq ans s’il existait des métastases ganglionnaires [13].
Seulement 24% des patients avaient reçus une chimiothérapie à base de dacarbazine. Aucun de nos patients n’a reçu une immunothérapie ou thérapie ciblée en adjuvant ou en situation métastatique. Cette attitude s’explique du fait de la difficulté d’accès à ces molécules qui coûtent extrêmement chers et sont non remboursables. Dans la recommandation actuelle, l’immunothérapie et la thérapie ciblée notamment les inhibiteurs de BRAFV600E (Vemurafénib®) sont devenus une référence dans la prise en charge des mélanomes avancés et métastatiques. Les perspectives thérapeutiques pour les mélanomes métastatiques seront de combiner les inhibiteurs de BRAF et de MEK avec les résultats supérieurs par rapport aux inhibiteurs de BRAF seul. Plusieurs essais sont en cours avec des résultats encourageants [14]. Actuellement, l’immunothérapie avec les inhibiteurs de check point est devenue un standard dans la prise en charge en première ligne de mélanome métastatique dont notamment les anti PD-1 qui ont montré leur efficacité en termes de survie sans progression et survie globale par rapport à l’ipilimumab [15].

CONCLUSION

Le mélanome cutané sur peau noire est rare mais non exceptionnel avec une agressivité importante et un pouvoir métastatique élevé. La localisation est souvent plantaire méconnu expliquant une consultation tardive avec des tumeurs évoluées voir métastatiques ce qui rend le pronostic péjoratif. L’immunothérapie par les inhibiteurs de check point doit rentrer dans nos pratiques quotidiennes pour les cas avancés et métastasiques. Il faut sensibiliser la population sur l’intérêt d’une consultation précoce et toute lésion plantaire suspect doit être excisé en totalité pour un examen histologique.

CONFLITS D’INTERET : Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts.

REFERENCES

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